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16 novembre 2003

Entrelue avec... "Lettre ouverte..." de Guy Hocquenghem

"Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary" de Guy HOCQUENGHEM

Après moult errements dans les rayons de la FNAC, vous ressentez comme une lassitude. Les publications de livres sont pourtant florissantes, les prétendants aux prix littéraires foison et les nouveautés vous promettant de retrouver le bonheur également pléthoriques. Mais , attention, illusion. Trop de choix tue le choix ? Même pas. Juste ce cruel manque de piment dans ces feuilles sacrifiées sur l'autel du conformisme. Nostalgie de Révolution en fait.

Vous aussi vous voulez un livre qui vous sorte de la torpeur amorphe et molusquifiste qui englue nos contemporains ? Vous succomberiez volontiers à un zeste de provocation, vraie, pure, idéale ?

Désolée, je n'ai pas déniché de nouveau livre qui pourrait vous assouvir. Mais quand même, j'ai un petit quelque chose : alors, suivez moi et remontez le temps jusqu'au siècle dernier, décennie 80. Vingt ans après le mythique Mai 68.

Un homme alors a choisi d'écrire une "lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary"... Un titre comme ça annonce bien un peu de subversion. Et puis pour achever de vous convaincre, l'éditeur a joué la carte de la revendication : déjà, le nom de la collection "Contre Feux", fidèle des écrits bourdieusiens , et puis surtout la couverture, conçue comme une banderole de manifestation avec grosses lettres épaisses qui ne peuvent qu'attirer le regard, mangeant quasiment tout l'espace de la couverture. C'est que l'auteur, Guy Hocqenghem est un ancien trotskiste.

Ancien. Mais dont la plume a su conserver une acuité acerbe et cynique dont je me suis régalée, sans pour autant y adhérer ni même tout comprendre (j'avoue mon ignorance des événements politiques des années 80 pendant lesquelles je me consacrais entièrement à réaliser la prouesse de marcher debout...) Mais il y a des phrases qui soudain font prendre conscience de la force des mots, le leur portée vraiment subversive et délicieusement jouissante...

Je ne résiste pas à vous donner quelques citations : " Assommés, assourdis, par les injonctions contemporaines, nouvelles, actuelles, d'être efficaces, performants, positifs, mis à jour, techniques, informatiques, pratiques, abrutis par le communicationnel, le "look", les "tendances", la modernisation fabuso-libé (commune à Fabius et à Libération) ; cernés par le réalisme, le BCBG, le clean, le rétro, le tiède, le commode, le gominé, le retour à soi, le raisonnable ; engoncés de cravates high-tech, de BD, de figuratif, de claviers et de statistiques ; pris dans le glu de l'adaptation, de la réadaptation, le ras-des-pâquerettes comme principe de pensée, les nécessités objectives, la fin des idéaux de révolte comme tout viatique philosophique ; (...) malaxés par la peur d'être largués, de ne pas être assez informatifs, assez plats, assez désabusés, de ne pas coller d'assez près aux besoins, au social (...), qui d'entre nous n'a éprouvé les effets de ce culte du conformisme ?"

Ecrire comme cela, faire des mots de véritables armes de précision est un rêve caressé par beaucoup de journalistes et militants... Comment aujourd'hui, e 2003, ne pas y voir une formidable parabole plus que jamais actuelle ? Hocquenghem, mort précocement à 41 ans du Sida, aurait-il voulu se jouer de son destin en anticipant les maux de nos contemporains, aurait-il voulu nous prévenir de ce que seul un condamné à mort peut déceler avec clairvoyance et surtout oser le proclamer ?

Dénonçant avec hargne et violence la culture renégate des ex-"maos gauchos contestos " et soixante-huitards devenus les néos bourgeois aux rênes du pouvoir, cette génération qui a surfée habilement sur les tendances pour mieux en profiter et se faire remplir la gamelle sans bourse délier, ou encore ces pourfendeurs du "concept pub des Nouveaux Philosophes" (Finkielkraut, BHL, Bruckner, Goupil, Glucksmann...).

Reste que ce pamphlet n'est aucunement daté, et que son ultime appel est un espoir magnifique que l'on peut aujourd'hui saisir : "Ex gauchistes, puis réalistes dogmatiques, votre temps est déjà passé. On va vous oublier. Le monde continuera sans vous. Vous allez bientôt mourir ; alors, trop tard, vous regretterez d'avoir tout trahi, tout sacrifié, espoirs et rêves, au vain attrait d'une puissance éphémère. Tournons la page ; qu'elle soit votre linceul. Vérifie toi même lecteur : la suivante, je te le jure, est blanche. Paris, le 16 mars 1986."

Ce livre ne se raconte pas. On ne saurait jamais être à la hauteur. Alors, curieux, je vous laisse vous en saisir. Seuls. Mais tous ensemble.

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