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Gratt' pap
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30 juin 2003

Du Technikart ou du cochon ? Juin 2003

Tout d'abord, quelques explications sur cette rubrique qui se propose de sortir les bistouris pour une opération à coeur ouvert dans le kiosque à journaux du coin. Démocratie oblige, les journaux abondent, naissent et disparaissent et aucun guide dans tout cela, alors que les titres se font de plus en plus obscurs... Mais je suis là, avec ma blouse blanche, prête à faire pour vous l'autopsy de quelques électrons plus ou moins libres.

 

Technikart, rangé à coté des Inrockuptibles, je n'en connaissais guère que les couvertures racoleuses et agressives qui me laissaient présager un magazine bassement provocateur,un peu à la Ardisson, donc à priori, plutôt du cochon bien gras... Mais hier, devant le morose aprés-midi annoncé par le ciel gris, j'ai décidé de mettre à l'épreuve mes préjugés en matière de charcuterie en investissant 4,5 euros dans cet audacieux magazine (il faut dire que le titre "Sales bourges" attisait particulièrement ma curiosité, car peut-être que j'en suis après tout -à moins que je relève de la noblesse déchue, genre Comtesse Laura De Nancy-)

Enfin, toute gueuse que je suis aux dernières nouvelles, je pénètre dans l'organisme un tantinet prétentieux de Technikart. Oui, moi la bourge, la réac, la non-clubbeuse, la fidèle de St-Germain des Près, bref la lectrice qui cumule tout ce que combat ce genre de magazine tellement "in", j'y vais avec un certain masochisme. Je pressens que je vais regretter mon investissement et j'entame avec la nausée mon autopsy, laissant gicler sur ma blouse les publicités écoeurantes qui prennent les jeunes pour des logo-maniaques qui se foutent des conditions de travail dans lesquelles sont produites leurs baskets et jeans. Désolée, je ne suis plus de ceux-là alors je sens que ça va mal se passer entre nous. Avantage : feuilleter les premières pages assure une ventilation faciale non-stop si comme moi vous vous moquez éperdument des dernières adresses clubbing, jet-laggers, et autres VIP... Même la bonne bouille de Besancenot assortie d'une interview baclée qui ne risque pas de réveiller Marx ne suffit pas à arrêter le ventilateur qui commence à me donner la chair de poule... Je reste surtout estomaquée par le mépris du journaliste pour les lecteurs -qui rapellons-le ne sont pas tous forcément des clubbers shootés à l'exctasy- qui précise au facteur de la LCR "on a un lectorat jeune donc faut faire court", ben oui, nous jeunes, nous cons, nous pas comprendre la politique. Mais c'est qui ce vieux qui prend ses lecteurs -qui lui assurent quand même son salaire, au vieux ! et sa retraite de surcroît !- pour des crétins zappeurs pas capables de prendre le temps de comprendre des choses un peu plus profondes !

Mais heureusement la souillure est restée circonscrite en cet endroit, le reste du corps se révélant en fait assez pertinent, à ma grande surprise, vous vous en doutez. Que signifie ce retournement de veste à la Dutronc ? Au delà des pages d'introduction sans intérêt, un peu comme la pub Mikko avant le film au cinéma, on atteint enfin la substance même, la moëlle du journal, et à bien y regarder, c'est pas si pourri que ça. Car on y trouve des articles différents qui font réagir, abordant des thèmes originaux, ce qui nous sort enfin des sentiers consensuels et balisés de l'actualité invariablement binaire Irak-Pneumopathie. Et puis, attention les jeunes, c'est pas du superficiel, au contraire on relit à deux fois pour comprendre la signification du concept de "post-critique" ou les réflexions du philosophe Peter Sloterdijk (que j'ai toujours pas vraiment compris, mais la philo, est-ce que ça se comprend vraiment, that is the question ?). D'autant que l'écriture pompeuse d'un journaliste complexé qui se sent au défi de l'ésotérisme ne facilite guère les choses, parce que bon, en dépit des projets utopiques -et abandonnés- des 80% au bac, tout le monde ne maitrise pas totalement les théories kantiennes et wéberiennes... Résultat, un goût amer d'élitisme sectaire et l'impression curieuse de tenir entre mes mains un journal d'intello-bourge...

Alors justement, au fait, qu'en est-il donc de ces sales bourges ? Bien évidemment moins subversif que ne le laisse supposer l'accroche de couverture, on revient à ceux là qui écoutent Delerm et Carla Bruni, qui vénèrent les créations du design pas cher, qui revendiquent le retour à la morale après avoir atteint les bas-fonds de la décadence, ou qui sont juste les dignes "fils de". Excepté le dernier critère (non, non, papa t'es pas encore connu...), j'ai l'honneur de vous annoncer que je suis une bourge. Mince alors, comment je vais les appeler alors les petites minettes du 16ème que j'exècre, aussi bien à Passy qu'à Deauville ? L'hyper bourge peut-être. Quoi qu'il en soit, il est bien loin le bourgeois capitaliste exploiteur du vieux Karl...maintenant, le bourgeois n'est rien d'autre qu'un amateur de chansons à texte, attaché à la famille et qui cherche juste à rentrer dans le rang. Beaucoup de monde en somme.

A part ça, je conseille également de jetter un oeil sur le bon papier sur les suicidés du PAF (on comprend à peu prés l'article entier sans recours au Dictionnaire philosophique, ça repose les neurones quoi !) Et puis, mon indulgence (post-critique à tendance bourge ?) renvoie sans doute au plaisir que j'ai eu à découvrir sur les conseils de Technikart le site web Arteradio.com (voir Pêché dans le oueb). Bon point aussi pour le site Technikart.fr, même si, sans être une féministe acharnée, on regrette que la rédaction soit exclusivement masculine... enfin, ça évite déjà de tomber dans les potins "crèmes et régimes de l'été", et ça, c'est plutôt précieux en ces mois pré-estivaux qui nous gavent de ce genre d'articles révolutionnaires !

Verdict de l'autopsy ? Un magazine chicos (t'as vu le prix !) et intello (y'a quand même le sous-titre "culture et société" qui indique où on met les pieds) mais qui a le mérite de titiller, bref de bousculer un peu le "prêt-à-penser" mou et soporifique entretenu par un bataillon de journalistes bien dréssés. Mais bon, un numéro, c'est pas très représentatif et mon intégrité critique exige que je rouvre le corps au mois prochain.

(Autopsy effectuée sur le Technikart n°71 d'avril 2003)

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